Déclaration officielle de la présidente sur le projet de loi no 40

Chers collègues, 

Ce soir, à titre de présidente, je prends officiellement la parole pour partager publiquement notre déception et notre inquiétude au regard des changements proposés dans le projet de loi no 40 qui, s’il est adopté tel que présenté, signe, entre autres, la fin de nos travaux aussi rapidement qu’à la fin du mois de février 2020.

Je souhaite dénoncer haut et fort ce projet de loi.

Cette déclaration à titre de présidente s’ajoute aux actions que nous menons ensemble depuis déjà quelques semaines.  

Nous savons que le projet de loi est moins simple qu’il n’y paraît.

Si au moins ces propositions de changements plaçaient la réussite et la persévérance des élèves au cœur des priorités, connaissant nos valeurs, je crois que nous serions en mesure d’accepter certains changements.

Mais voilà, l’étude du volumineux document nous démontre à quel point le ministre s’éloigne de ce qui est le plus important en mettant systématiquement de côté la gouvernance actuelle et ses gens dévoués qui complètent un mandat de plus de 5 ans.

Au cours des dernières années, nous avons été victimes de nombreuses difficultés, de la mauvaise presse et des coupes budgétaires sans précédent. Ce projet de loi va encore plus loin. C’est une attaque importante au système d’éducation québécois, une non-reconnaissance de la bonne gouvernance qui est un levier de développement local très précieux.

Posons la question : est-ce que ça allait si mal pour qu’on bafoue d’un seul coup tant d’années d’expérience en gouvernance scolaire, celles-ci ayant permis à la CSSMI :

•    Un taux de sortie sans diplôme ni qualification de 7,2 %
•    Le maintien d’un budget équilibré année après année, après année...
•    L’embauche du meilleur personnel possible
•    Une gestion décentralisée
•    Des constructions et rénovations d’établissements magnifiques au service de la pédagogie
•    Un travail de collaboration de qualité avec les parents et les partenaires de la communauté
•    Des développements, des projets et une mobilisation qui sont source d’inspiration partout au Québec
•    Le tout dans le respect des lois, des règlements et des politiques en vigueur?

Notre organisation se portait bien avant le dépôt du projet de loi no 40.

Celui-ci donne l’impression que le ministre ne connait pas le rôle du conseil des commissaires. D’ailleurs, M. Roberge n’a jamais fait de tournée des commissions scolaires et semble penser que nous nous amusons et que nous abusons du système. Annoncer de si grands changements sur la base de problématiques isolées est réducteur et non respectueux.

En fait, le projet de loi passe à côté des vrais enjeux. Cette réforme ne règlera pas les problèmes actuels de surcharge et de manque de personnel.

Le système d’éducation québécois a d’abord besoin de stabilité, j’ose dire d’amour et de considération. Ce sont des conditions simples et gagnantes pour se concentrer sur la réussite des élèves. Avec ce projet de loi, toute la gouvernance sera plutôt systématiquement poussée vers la sortie entraînant une nouvelle vague importante de changements. 

Jamais dans l’histoire, si ces changements sont adoptés, notre réseau d’éducation publique n’aura été administré par des gens ayant aussi peu d’expérience de la gouvernance scolaire. Le peu de représentativité et ce manque d’expérience pourront très bien faire l’affaire de ceux et celles qui souhaitent une plus grande concentration des pouvoirs entre les mains du ministre de l’Éducation à Québec. 

Cet élément nous permet probablement de répondre à la question : comment un palier de démocratie peut en abolir un autre? 

Cela étant dit, je souhaite attirer votre attention rapidement sur certains éléments et incohérences proposés dans le projet de loi :

• Le conseil des commissaires représente le seul palier démocratique local dédié à l’éducation au Québec. Avec ce projet de loi, les citoyens perdront leur voix puisque les élus scolaires ne pourront plus les représenter. La proximité qui existait entre le milieu de l’éducation et la population locale en sera assurément affectée.

• Il sera difficile, voire impossible, pour le ministre et les fonctionnaires centralisés à Québec de considérer les réalités locales et de connaitre les réalités des milieux pour prendre les meilleures décisions.

• L’économie d’argent présentée reste questionnable… surtout quand on choisit des gens qui n’ont pas l’expérience requise pour prendre efficacement les décisions. De tout temps, les changements de structure ont généré des coûts importants rarement mesurés avant de procéder et souvent regrettés.

• En conséquence, les nouveaux centres de services scolaires devront être patients et probablement avoir de la chance pour économiser l’argent anticipé.

• Le projet de loi prévoit aussi que le conseil des commissaires, qui était formé pour la plupart de personnes élues par la population, soit remplacé par un conseil d’administration dont la majorité des membres seront désignés par les parents siégeant aux conseils d’établissement des écoles et des centres de formation. Cette proposition ne tient pas compte de l’importance du comité de parents des commissions scolaires qui avait la responsabilité de nommer ses représentants au conseil des commissaires. On remet ainsi en question la vision d’ensemble des parents, l’expérience développée au comité de parents pour prendre les meilleures décisions possibles pour l’ensemble des élèves.

• Ainsi, le comité de parents ne participera plus directement aux délibérations du conseil d’administration. De plus, ses représentants des parents d’élèves handicapés ou en difficulté d’apprentissage (EHDAA) risquent d’en être exclus puisqu’ils n’auront plus de place réservée.

Tous ces parents agissaient à titre d’agents de liaison entre le conseil des commissaires et les comités dont ils sont issus. En vertu du projet de loi, plus personne ne tiendra ce rôle. Il s’agit d’un recul majeur en matière de représentation.  

• Il y a aussi le recrutement de parents pour siéger aux conseils d’établissement qui n’est malheureusement pas toujours facile. Même s’ils sont nombreux à participer aux rencontres avec les enseignants, principalement au primaire, peu de parents se présentent aux assemblées générales pour élire leurs représentants. On comprend que les parents font des choix dans un contexte de recherche d’équilibre travail-famille. Cette réalité a pour conséquence que très souvent les représentants des parents sont élus par acclamation ou désignés par environ 2 % des parents de leur établissement. 

• Ce sont pourtant ces parents, élus par environ 2 % de leurs pairs, qui désigneront ceux qui vont remplacer les actuels commissaires… En plus de cet enjeu de légitimité, il existe un risque réel qu’une ou des parties du territoire d’une commission scolaire ne soient pas représentées au conseil d’administration. 

Cette proposition qui en principe doit régler le problème de représentation ne fait que l’accentuer. 

• Ajoutons la perte de cohérence entre le projet éducatif et le plan d’engagement vers la réussite (PEVR). Initialement, les projets éducatifs des établissements devaient être cohérents avec le PEVR de la commission scolaire. On comprenait la raison : pour qu’une commission scolaire atteigne ses cibles, elle devait pouvoir compter sur la contribution de chaque établissement. Il semble maintenant que ce ne soit plus nécessaire puisque le projet de loi ne fait plus mention de cette obligation de cohérence. Une question se pose : comment le nouveau centre de services scolaire sera en mesure d’atteindre ses cibles pour la réussite et la persévérance de l’ensemble de ses élèves jeunes et adultes?

• En promettant une plus grande autonomie aux écoles et aux centres, il y a un risque important que ceux-ci deviennent des électrons libres et que cela se solde en un manque de cohérence et d’équité entre les milieux. 

• Il est surprenant que jusqu’à maintenant, personne ne s’insurge du fait que la loi fait une distinction entre les francophones et les anglophones alors qu’on demande toujours, partout, l’équité.

• Le ministre aurait pu remédier au faible taux de participation aux élections scolaires de diverses façons comme en jumelant les élections scolaires et municipales ou en utilisant le vote électronique. 

Ces éléments constituent un tour d’horizon de quelques thèmes et enjeux dont nous avons déjà discuté ensemble et qui à notre avis, posent problème, mais ce ne sont pas les seuls. 

En conclusion, le ministre Roberge n’a jamais fait la démonstration que son projet de loi allait améliorer la réussite des élèves. Il a travaillé sans considération pour honorer une promesse électorale. 

Tant d’énergie déployée pour mettre en place une nouvelle structure au détriment d’un investissement concret pour l’élève ne peut que nous décevoir!

Après l’expérience vécue avec le changement de structure dans le domaine de la santé… il semble que le gouvernement n’ait rien appris des erreurs du passé.

Je suis personnellement engagée avec cœur et conviction en éducation dans ma région des Basses-Laurentides depuis plus de 20 ans. Ma connaissance des enjeux locaux me permet de saisir rapidement les besoins du milieu et d’agir avec neutralité dans l’intérêt de l’ensemble des élèves. 

À la lumière de l’expérience acquise au cours de toutes ces années, je témoigne ici, que nous, commissaires, sommes aussi des citoyens et majoritairement des parents investis et engagés pour les bonnes raisons : la réussite et la persévérance des élèves.

Nous sommes partie prenante de la culture d’excellence de notre organisation. Nous sommes tournés vers l’avenir et ouverts à l’amélioration.  

En considérant tout ce qui précède, ne serait-il pas plus approprié d’amorcer une véritable réflexion publique sur la gestion de l’éducation au Québec, qu’on appelle communément un livre vert? 

Chers collègues commissaires, je nous invite à garder la tête bien haute et à demeurer fiers de ce que nous accomplissons ensemble.

Poursuivons nos démarches de représentation pour sensibiliser le plus de gens possible à notre cause et pour influencer le gouvernement. 

Nous connaissons bien le projet de loi. Nous sommes en mesure d’en parler. Nous avons une page Facebook qui rayonne de plus en plus. Nous publierons cette semaine un 2e communiqué et cette déclaration. Nous participons aussi à la vaste campagne de la FCSQ. Chaque petit geste a son importance!

Au nom du conseil des commissaires
Mme Paule Fortier, présidente de la CSSMI